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Depuis ma thèse de doctorat, j’ai participé à différents projets de recherches pluridisciplinaires, en emmenant mes compétences de géographe à des questionnements sur les évolutions environnementales. Ces programmes reprennent bien l’histoire des recherches sur la gestion de l’environnement. C’est la philosophie générale de ces projets et leurs apports par rapport aux débats sur la gestion de l’environnement que je vais développer ici.
Je suis arrivé dans la recherche dans la seconde moitié des années 1990, au moment où l’on se rendait compte que mettre en place l’agenda 21 de Rio allait être difficile. La société civile était en train de se structurer autour des questions de développement durable ; le gouvernement brésilien prenait la mesure des changements à mettre en place. Mais en même temps que les acteurs du développement, auprès de qui j’étais impliqué, se rendaient compte de la difficulté à mettre en place des actions de développement durable, d’autres dont moi s’interrogeaient sur les logiques des populations dont « on » voulait changer les pratiques, à leur impact sur le milieu. Nous avons fait le constat de la difficulté à modifier les pratiques de gestion du milieu des populations rurales de front pionnier tant elles sont logiques par rapport au système qui les a mises en place – le capitalisme moderne [Projet Zone Atelier].
Ces analyses faisaient écho aux débats du Sommet de la terre sur le développement durable de Johannesburg. Tel qu’il est, en comptant sur la seule bonne volonté des populations locales ou des gouvernements, mettre en place le développement durable est impossible. Il faut transformer la modernité, en particulier en créant une modernité écologique.
C’est sur la manière dont l’État brésilien adapte ses politiques aux transformations de la modernité liées développement durable qu’a porté le second projet de recherche important dans mon parcours [Projet PUCA], le premier que j’ai coordonné du début à la fin. C’est là que nous avons vu surgir une question qui va devenir essentielle, celle de la rémunération des services écosystémiques – une forme d’approfondissement écologique de la modernité.
Cette question, nous l’avons prise au sérieux, et nous avons essayé de la documenter par des recherches là encore pluridisciplinaires, incluant les membres de la zone atelier et d’autres partenaires, en particulier colombiens. Nous avons cherché à qualifier l’impact des pratiques d’agricultures sur le milieu, en termes de biodiversité, de production de paysage, de stockage de carbone et de transformation des sols [Projets AMAZ's].
Dans ce projet, on s’est rendu compte que l’effet d’une pratique sur un milieu était tout à fait mesurable, modélisable, mais que la rémunération des services environnementaux doit prendre en compte un grand nombre de facteurs liés aux contextes dans lesquels sont développés les pratiques. D’où le fait qu’avec une partie des membres de l’équipe du projet AMAZ, nous cherchions actuellement à développer un projet de recherche pour mettre en évidence le poids des contextes et des effets propres à chaque niveau scalaire. Nous voulons attirer l’attention sur les échecs prévisibles de politique de rémunération des services environnementaux qui, telles qu’elles sont conçues, ne les prennent pas en compte.
On trouvera ici la liste des projets de recherche auxquels je participe ou auxquels j’ai participé, avec à chaque fois un lien vers une page qui présente le programme, ses grands objectifs et l’Appel à proposition de recherches dans lequel il s’inscrit.
AMAZ-ES et AMAZ-BD sont deux programmes de recherche financés par l'Agence nationale de la recherche, dans les appels à proposition de recherche Biodiversité (BD) et Agriculture et développement durable (ES). Ces deux programmes, complémentaires, s'insèrent dans les recherches actuelles sur les services environnementaux, et cherchent à donner une épaisseur à cette notion dans le cas des agriculteurs familiaux de fronts pionniers amazoniens (au Brésil et en Colombie).
AMAZ-BD – Biodiversité des paysages Amazoniens. Déterminants socio-économiques et production de biens et services écosystémiques.
AMAZ-ES – Services écosystémiques des paysages agrosylvopastoraux Amazoniens. Analyse des déterminants socio-économiques et simulation de scénarios.
© Xavier Arnauld de Sartre Pacajá (Transamazonienne), 2008. Un agriculteur prépare ses outils pour la journée. |
Coordinateur : Patrick Lavelle (Univ. Paris VII, UMR Biosol IRD / Univ. Paris VII)
Dates : 2007-2009
Résumé officiel des projets : Dans deux pays d’Amazonie représentant la diversité des paysages anthropisés de l’écorégion (Brésil et Colombie), ce projet analysera et modélisera les liens qui unissent 1. les paramètres socio-économiques, 2. la composition et la structure des paysages, 3. la biodiversité des plantes, et de 6 groupes clés d’animaux (oiseaux, Drosophilidae, Lépidoptères Saturnidae, fourmis, termites et vers de terre et 4. la production agricole et les autres biens et services écosystémiques (BSE) utilisés par les populations humaines.
Un protocole original permettra une collecte de données socio-économiques, paysagères, agronomiques et écologiques 100% compatibles permettant une analyse statistique rigoureuse et la formulation de nouvelles hypothèses sur les mécanismes reliant ces divers groupes de variables.
Les groupes étudiés pour leur biodiversité sont des ingénieurs de l’écosystème (plantes, vers de terre) ou des indicateurs des effets de la fragmentation ou les deux à la fois. Ils représentent aussi des situations assez contrastées en termes de proportions d’espèces endémiques.
Dans chaque pays, 150 exploitations appartenant à trois paysages différant par l’histoire de la colonisation et l’usage de la terre seront décrites avec des variables socio-économiques et paysagères. On mesurera la biodiversité et une sélection de BSE associés dans les 27 exploitations les plus représentatives de la diversité dans chaque pays.
L’analyse statistique permettra d’identifier les co-variations significatives entre les diverses variables et d’identifier d’éventuels effets de seuils dans leurs relations. La simulation par la modélisation multi-agent de scénarios inspirés du Millennium Ecosystem Assessment indiquera aux décideurs quelles mesures favoriseraient le plus un usage durable des ressources dans des systèmes de production qui conservent la biodiversité.
J’assure avec Philippe Léna la coordination de la partie sciences sociales. Notre travail consiste à décrire les populations présentes dans les sites d’études, en caractériser la diversité par la construction de typologie et en comprendre les logiques. Sur cette base, nos collègues des sciences biotechniques viendront mesurer l’impact sur le milieu de chacun des types que nous aurons identifié.
2005-2007: L’appropriation du développement durable par les États modernes. Le cas de la coopération internationale au Brésil.
Financé par le Programme PUCA des Ministères de l’Équipement et du Développement durable
Résumé du rapport
En se référant à l’environnement mondial, et non plus national, le développement durable invite à redéfinir les logiques qui fondent les politiques territoriales des États modernes et leurs politiques de coopération. Dans ces dernières, le territoire y était souvent considéré comme un espace passif, destiné à recevoir une politique élaborée loin de lui, au lieu d’être l’espace avec lequel et grâce auquel le développement durable pourrait émerger dans les pratiques. Mais les changements radicaux qu’impose le développement durable, en particulier au niveau que nous venons d’évoquer, et le flou qui entoure cette notion, font qu’un des problèmes fondamentaux du développement durable est celui de son appropriation à la fois par les experts qui l’appliquent et par les populations vivant dans les territoires qui sont censés l’adopter.
Cette question, essentielle, de l’appropriation du développement durable est posée dans un contexte de crise de la modernité. Celle-ci inclut un réajustement de la coopération internationale qui fait pression en faveur du développement durable : elle ne peut plus faire l’impasse sur le questionnement du bien-fondé des valeurs issues des pays du Nord et contenues dans ses pratiques. Les États modernes doivent transformer leurs politiques tout en se transformant eux-mêmes. Nous étudions ainsi les grands enjeux de l’appropriation du développement durable en nous concentrant sur les relations entre politiques territoriales et remise en question de la modernité. Nous regardons en particulier comment la redéfinition des rapports entre échelles internationale, nationale et locale amène à ne plus considérer comme naturels bien des cadres spatiaux qui ont fondés la modernité – sans toutefois remettre en question l’utilité, circonstancielle et bien comprise, de ces cadres.
Pour atteindre cet objectif, le Brésil a retenu notre attention, car la transformation des politiques territoriales sous l’impulsion du développement durable s’y pose de manière particulièrement forte et visible. Nous étudions comment l’appropriation du développement durable s’y fait, ou non, notamment en rapport avec la coopération internationale. Nous nous concentrons sur le bassin amazonien qui est porteur d’une charge symbolique très forte pour le monde entier. La mise en place d’un développement durable doit y composer avec l’ensemble des populations locales ou de leurs représentants associatifs ou syndicalistes : l’Amazonie est ainsi un lieu privilégié pour observer comment des injonctions très générales peuvent s’enraciner dans les préoccupations concrètes de populations différentes capables d’interpréter la demande de durabilité.
Trois temps structurent notre rapport de recherche. D’abord, nous examinons comment l’État se saisit du développement durable au moyen de politiques territoriales. Puis, nous étudions comment l’État, par son discours très postmoderne sur la diversité culturelle, et par la traduction locale de sa politique, fabrique des territoires où l’on peut déceler des signes d’une appropriation du développement durable, appropriation toutefois aussi ambiguë que la notion de durabilité peut l’être. Nous montrons cependant que celle-ci peut déboucher sur une relative autonomisation des populations locales, susceptible de conduire à un relatif débordement de l’État et des objectifs de durabilité qu’il avait énoncés.
2004-2005: Enquêtes biographiques en Amazonie brésilienne
Il s’agit d’un programme financé dans le cadre de l’Action Concertée Incitative Sociétés et cultures dans le développement durable. Il a duré deux ans, entre 2004 et 2005.
Il était dirigé par Marie-Eugénie Cosi Zavala (Centre de recherche et de documentation sur l’Amérique latine, CREDAL); en faisaient partie, outre moi, Martine Droulers, François-Michel Le Tourneau, Stéphanie Nasuti et Pascal Sébille (CREDAL).
Fondamentalement, il s’agissait d’une enquête de démographie rétrospective appliquée auprès d’agriculteurs familiaux de la micro-région de Marabá (avec une coopération avec le Département d’études intégrées sur l’agriculture familiale de l’Université fédérale du Pará) qui visait à connaître leur passé migratoire, fécond et professionnel.
Le traitement des données (près de 350 questionnaires) est encore en cours.
2001-2005: Zone Atelier Amazonie
Il s’agit d’un programme de recherche financé d’abord par le Programme Environnement Vie Société du CNRS puis, à la fin de ce dernier, par l’Institut national des sciences de l’univers dont l’objectif était de mener une recherche interdisciplinaire sur l’agriculture familiale de front pionnier amazonien. Il a été coordonné par Michel Grimaldi (IRD, UMR 137) et financé de 2001 à 2003, puis en 2005, avant de s’arrêter.
Les équipes et chercheurs qui ont été impliqués dans la Zone Atelier appartiennent au CNEARC, au CNRS (UMR 5603 Société Environnement Territoire), à l’INRA (SAD), à l’IRD (UMR 137 Biodiversité et fonctionnement du Sol ; UR 102 Intervention publique, espaces sociétés ; UR 168 Dynamiques environnementales entre forêt, agriculture et biodiversité), à l’Université Antilles-Guyane, à l’Université Fédérale du Pará et à l’Université de Toulouse Le Mirail.